Recherche
Chroniques
Gioachino Rossini
La pietra del paragone | La pierre de touche
Dans le parc de la riche demeure du comte Astrubale, Pacuvio, exécrable rimailleur, déclame ses vers mais se heurte à l'hostilité générale. Seule Donna Fulvia, dont il est épris, lui accorde son attention et lui promet une belle situation si elle parvient à épouser le comte dont elle convoite la fortune, tout comme la baronne Aspasia. À son tour, Clarice avoue son amour à Astrubale. Soupçonnant l'intérêt derrière l'inclination de ces trois femmes, l'homme rusé décidé d'éprouver leur sincérité.
Avec cette Pietra del Paragone, Jean-Luc Choplin offrait une belle surprise, tant musicale que visuelle, au public de sa première saison à la tête du Théâtre du Châtelet [lire notre chronique du 22 janvier 2007]. En effet, la mise à distance tient un rôle prédominant dans ce spectacle haut en couleurs, la vidéo devenant le principal vecteur de la narration, au point que certains journalistes ont naïvement écrit leur désarroi, ne sachant ce qu'il fallait regarder ! Jonglant avec talent entre deux univers, le réalisateur Philippe Béziat rappelle les prémisses d'une captation périlleuse :
« Dans les écrans : le récit. Sur scène : les conditions de production de celui-ci (et mille échos subtils naissent alors entre les acteurs sur le plateau et leurs personnages incarnés, entre les personnages et l'image qu'ils donnent et qu'ils se font d'eux-mêmes, entre les personnages et leurs illusions, leurs rêves, la comédie sociale qu'ils ont conscience de jouer comme un film, leur dépendance à un dispositif technique et social, leur dépendance à la fiction...) »
Alors qu'il s'apprête à fêter ses deux cents ans, La Pierre de touche reste un chef-d'œuvre trop peu connu de Gioachino Rossini. Pourtant, à l'image du Barbiere ou de La Cenerentola, il réclame autant de technique que d'envie de s'amuser. Invité du premier des trois suppléments proposés par ce livre-disque en édition limitée, Jean-Christophe Spinosi confie son besoin de vibrer physiquement avec la musique et s'émerveille de la tension des crescendos rossiniens.
Contrairement à lui, Pierrick Sorin n'a pas de connaissance particulière de la musique classique et de l'opéra, un genre qu'il juge assez conventionnel, rébarbatif et même affligeant, à l'image du présent livret, proche d'une sitcom ou d'un roman-photo. Vierge dans ce domaine, il aborde sa première mise en scène avec impertinence mais sans provocation – allant jusqu'à l'autocensure pour la reprise italienne – et s'enthousiasme d'une collaboration qui a bien fonctionné avec Giorgio Barberio Corsetti, dirigeant une troupe de jeunes chanteurs avides de burlesque et ouverts à l'expérimentation.
Un entretien et une visite d'exposition permettront de mieux connaître un artiste « dans la tradition des hommes des cavernes », qui s'appuie sur l'écriture et le dessin pour clarifier ses pensées et traite avec humour, dérision et – finalement – beaucoup de tendresse les thèmes profonds de la désillusion, de l'échec et du non sens de l'existence.
LB